LA DOUBLE CONTRAINTE

Parmi les quelques idées que je désire présenter sur ce site web, j’ai opté pour aborder le concept de la double contrainte, également appelé double lien. Ce concept revêt une importance significative en ce qui concerne les changements tant au niveau individuel que collectif.

Le concept de La double contrainte ou double lien, a été formulé par Grégory Bateson dans un article datant de 1956 intitulé « Aller plus loin ».
À cette époque, les troubles psychologiques étaient principalement interprétés comme des problèmes se situant à l’intérieur de la personne, c’est-à-dire des problèmes internes à l’individu. Les troubles psychologiques semblaient être en quelque sorte une part intrinsèque de la personne et lui appartenir en propre. L’article de 1956 portant sur la schizophrénie propose une nouvelle perspective sur cette maladie. Il suggère que la schizophrénie ne découle pas seulement d’un trouble exclusivement lié à l’individu, mais plutôt d’une perturbation dans la relation, engendrant de la confusion. Cette confusion est si intense que l’individu n’a pas d’autre option que d’adapter ses comportements aux messages confus qu’il reçoit.

 

Ex considérons une situation où une mère demande à son fils de s’approcher pour l’embrasser. Cependant, au moment où le fils s’approche, la mère recule légèrement. Cette interaction envoie deux messages contradictoires à l’enfant : d’un côté, un message verbal explicite d’affection et d’amour, et de l’autre côté, un message non verbal implicite de distance et de rejet.

L’enfant se trouve donc face à un dilemme : quelle réponse doit-il choisir ? Comment peut-il répondre de manière à ne pas contrarier sa mère tout en naviguant entre ces deux signaux contradictoires ? Dans cette perspective relationnelle, le comportement de l’enfant, s’il présente un dédoublement de personnalité en réponse à cette situation, n’est plus à considérer comme un dysfonctionnement, mais plutôt comme une réponse adaptative intelligente à un contexte relationnel complexe et incohérent.

Cette histoire met en évidence comment les interactions humaines peuvent créer des situations où des messages contradictoires poussent les individus à développer des réponses comportementales qui, d’un point de vue extérieur, pourraient sembler déroutantes. 

Exemple : MESSAGE EXPLICITE MAIS MESSAGE IMPLICITE


On veut que je sois autonome MAIS
Je suis tenu de faire ce qu’on me demande. 

 

On veut que je sois responsable MAIS
Je ne  fixe ni les délais ni les moyens.

On veut que je sois un bon manager MAIS
ça ne rentre pas en ligne de compte dans mon évaluation.

On veut que je crée du collectif MAIS
les équipes n’ont pas de budget.

On veut que je fasse preuve de créativité MAIS
je dois respecter les normes, les processus, les contrôles. 

Comme le souligne Michel Crozier, principal concepteur de l’analyse stratégique et de l’action collective en sociologie des organisations, le pouvoir est fondé sur la compétence à susciter de l’incertitude chez autrui : par exemple, le bureaucrate pointilleux détient du pouvoir sur nous lorsque nous dépendons de sa bienveillance pour que notre dossier soit traité en temps voulu.

Établir une situation de double contrainte constitue une méthode pour devenir imprévisible aux yeux d’autrui, et ainsi maintenir une emprise sur lui.

Le concept de double contrainte propose de changer notre perspective sur le comportement des individus

Traditionnellement, dans la perspective psychologique interne prédominante, les comportements inappropriés sont perçus comme irrationnels.

 En revanche, dans une perspective interactionnelle (systémique), ces comportements sont considérés comme rationnels et logiques, attribués non pas à un individu, mais à une dynamique relationnelle.

Il est important d’analyser la boucle relationnelle plutôt que de se concentrer uniquement sur la personne qui présente les symptômes.

Résoudre une situation de double contrainte peut se faire de deux manières : soit en abordant directement la double contrainte elle-même, soit en se focalisant sur les symptômes tels que le stress, la démotivation, la perte d’énergie, le sentiment d’impuissance, et l’enfermement. Dans ce dernier cas, il est possible de nommer la double contrainte afin de travailler sur la réduction de l’écart entre la communication verbale et non-verbale.

ref : G.Bateson  » vers une théorie de le schizophrénie » ( 1956) Cl Duterme  » Double contrainte et entreprise: contexte global, paradoxes locaux, souffrances individuelles Michel Crozier « Pouvoir et organisation, Archives européennes de sociologie, vol. 5, no 1, pages 52–64, Le Monde des employés de bureau, 1965

D’après Bateson l’échange relationnel de type « double contrainte » se joue en 3 temps

Un premier message verbal

Un deuxième non verbal qui vient contredire le premier

Puis une  négation de cette contradiction lorsqu’elle est dénoncée.

Quels peuvent être les effets d’un échange relationnel de type double contrainte

Cet échange relationnel enferme celui qui en est la victime : quoiqu’il fasse il a tort et ne peut pas sortir de cet enfermement puisque cette issue lui est aussi interdite.

Quels peuvent être les comportements possibles d’un échange relationnel de type double contrainte

La colère pour tenter de briser l’enfermement.

Le retrait de la relation, l’apathie.

À l’extrême limite la folie, c’est à dire un comportement incohérent répondant symétriquement à un autre comportement incohérent.

A propos

Coach Agile,  j’accompagne les organisations et les équipes à comprendre et à mettre en place les principes de l’Agilité (mindset, framework, méthodes, outils)
En savoir plus